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Actualités du cabinet Catherine CATHIARD

15/07/2024 17:26 par CREDA-société

Dématérialisation accrue des décisions sociales

Loi « Attractivité » du 13 juin 2024 : dématérialisation accrue des décisions sociales - Lettre CREDA-sociétés 2024-09 du 26 juin 2024 par Julien DELVALLEE, Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay

La loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, dite loi « attractivité », fait partie des textes qui ont échappé au couperet de la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est heureux, car elle apporte au moins quatre évolutions importantes pour notre droit des sociétés.

En premier lieu, est admise la possibilité dans les sociétés cotées d’émettre des actions de préférence à droit de vote multiple pour une durée déterminée ou déterminable, qui ne peut excéder 10 ans, lors de leur première admission aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, avec, s’agissant de ces derniers, un plafonnement du nombre de droits de vote (C. com., art. L. 22-10-46-1 nouv. ). Ce dispositif entre immédiatement en vigueur, soit le 15 juin 2024.

En deuxième lieu, est prévue l’introduction prochaine d’un régime consacré au fractionnement des instruments financiers, en réalité des titres financiers et plus particulièrement des actions, par voie d’ordonnance dans les 12 mois suivant la promulgation (art. 13).

En troisième lieu, sont annoncées une simplification et une clarification (indispensable) du régime des nullités en droit des sociétés, c’est-à-dire des nullités encourues lors de la constitution des sociétés et à l'occasion de leurs décisions sociales, là encore par voie d’ordonnance, dans les 9 mois suivant la promulgation (art. 26).

Enfin, et c’est cela qui va nous retenir, est opérée par l’article 18 de la loi attractivité une dématérialisation accrue du fonctionnement des organes sociaux. Notons que les dispositions du Code civil et du Code de commerce, qui sont retouchées par cet article 18 ne sont pas d’application immédiate. Elles n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret et, au plus tard, trois mois après la promulgation de la loi (art. 29, II). Cela est techniquement justifié : plusieurs mesures supposent, pour être effectives, tantôt l’adoption de dispositions réglementaires, tantôt des modifications statutaires. Plus prosaïquement peut-être, on devine aussi la volonté du législateur de ne pas perturber la saison déjà bien entamée des assemblées. Résultat : les organes des sociétés concernées profiteront des facilités offertes par les règles nouvelles uniquement pour les consultations « lancées », au plus tard, à partir du 14 septembre 2024.

1. La dématérialisation des décisions collectives

SC, SNC, SCS et SARL

C’est pour ces groupements que les évolutions sont les moins spectaculaires, ce qui n’étonne pas. La liberté statutaire quant aux modalités de consultation des associés est déjà étendue : assemblée, consultation écrite, acte unanime (consentement de tous les associés exprimé dans un acte). Rappelons cependant que cette dernière modalité n’est pas textuellement prévue dans les SNC (C. com., art. L. 221-6), même si elle est praticable et pratiquée, liberté statutaire oblige (rappr. Com., 11 oct. 2023, n° 22-10.646, admettant la possibilité du vote par correspondance, à la condition que les statuts l’organisent). Ajoutons que faute de texte en ce sens (on se souvient de cette difficulté durant la « période » Covid), les assemblées entièrement dématérialisées ne sont pas permises dans ces groupements. Cela dit, pour les SARL, la participation à distance et le vote par télécommunication sont autorisés, sauf pour l’approbation des comptes annuels et sous réserve qu’une clause des statuts l’autorise et que la société ait aménagé un site internet exclusivement consacré à ces fins (C. com., art. L. 223-27, al. 3 et R. 223-20-1).

Ces quelques éléments à l’esprit, les avancées opérées pour ces groupements sont appréciables. D’abord, la loi attractivité autorise, dans toutes les formes sociales précitées, la consultation écrite des associés par voie électronique (C. civ., art. 1853 mod. ; C. com., art. L. 221-6, al. 2 et L. 223-27, al. 1, mod.). Ensuite et surtout, les modalités afférentes aux SARL sont réellement libéralisées (art. L. 223-27). D’une part, plus aucune restriction n’est posée s’agissant des décisions collectives de SARL susceptibles d’être prises par voie de consultation écrite ou d’acte unanime (même par voie électronique), alors que jusqu’à présent, ces deux modalités étaient prohibées en matière de comptes annuels. D’autre part, les associés de SARL ont désormais, comme dans les SA, la possibilité de voter aux assemblées par correspondance (si une clause des statuts le prévoit et dans des conditions prévues par décret, à paraître).

SA, SCA et SE non cotées

Chacun sait que le recours à la dématérialisation des décisions collectives est déjà largement consacré dans les sociétés par actions non cotées. Ainsi, à l’exception des assemblées spéciales de l’article L. 225-99, est déjà autorisée, si les statuts le prévoient, la tenue intégralement dématérialisée des AGO et AGE de SA, SCA et SE non cotées (C. com., art. L. 225-103-1, usant de la formule « exclusivement tenue par visioconférence ou par des moyens de télécommunication »). Mieux, étaient déjà permis, pour toutes les assemblées cette fois, assemblées spéciales incluses, sous réserve là encore d’une prévision statutaire, la participation et le vote des actionnaires par télétransmission (C. com., art. L. 225-107, II) : consultation hybride donc.

La loi attractivité va plus loin. D’un côté elle simplifie la rédaction des textes en supprimant la référence à la « visioconférence » pour lui préférer une formule plus simple : le recours à « un moyen de télécommunication » (C. com., art. L. 225-103-1, mod. ; rappr. art. L. 228-61, al. 5 mod., s’agissant des assemblées des obligataires), à la condition (cela ne change pas) qu’il garantisse l’identification des actionnaires (le site internet dédié au vote par télécommunication étant lui aussi maintenu : C. com., art. R. 225-61 et R. 225-98). D’un autre côté, l’article L. 225-103-1, modifié, accroît la dématérialisation. D’une part, le recours aux assemblées exclusivement tenues par un moyen de télécommunication est étendu aux assemblées spéciales et le droit pour un ou plusieurs actionnaires de s’opposer à la tenue d’une AGE dans ces conditions, hier suspendu à ce qu’ils représentent au moins 5 % du capital social, voit ce seuil désormais conditionné à la détention d’un quart au moins du capital social. Attention : les assemblées entièrement dématérialisées ne sont toujours pas permises dans les sociétés cotées (C. com., art. L. 22-10-38, inchangé), lesquelles se voient en revanche astreintes à une obligation de retransmission en direct des débats et d’enregistrement de l’assemblée (sorte de registre électronique consultable : C. com., art. L. 22-10-38-1, nouv.). D’autre part, la consultation hybride des actionnaires devient la norme, plus aucune clause des statuts n’étant exigée (C. com., art. L. 225-103-1, préc., le II de l’art. L. 225-207 étant supprimé).

Terminons par relever que rien n’est dit des SAS. Si on comprend que le législateur a fait le choix de laisser aux statuts une entière liberté (ils peuvent prévoir la visioconférence, notamment), on regrettera que n’ait pas été introduite une règle supplétive autorisant la consultation électronique des associés. Chacun sait bien qu’il est aisé d’omettre de stipuler sur les recours à ces moyens de consultation, alors que le principe d’équivalence entre l’écrit papier et l’écrit électronique ne permet pas de pallier les silences en la matière.

2. La dématérialisation des autres décisions sociales

Conseils d’administration et de surveillance des SA et SCA

Sans grande surprise, la loi attractivité ne s’intéresse pas aux organes collégiaux statutaires, de SAS singulièrement, ni au directoire, puisque ce sont les statuts qui fixent, librement (sous réserve pour ce dernier de maintenir sa collégialité), les conditions de ses travaux, et par exemple, qui peuvent autoriser le recours à la visioconférence. Ce sont donc uniquement les modalités de prise des décisions des conseils d’administration et de surveillance des SA et de SCA, qui sont retouchées.

Sur le fond, un double mouvement a cours : en même temps qu’il demeure attaché au présentiel pour le fonctionnement de ces organes collégiaux – les séances en distanciel intégral n’étant toujours pas permises –, le législateur s’accoutume progressivement mais sûrement aux décisions des conseils prises, formellement, sans délibération préalable. Cela peut s’entendre et doit même être salué, dans certains cas au moins, puisque l’absence de délibération n’est pas l’aveu d’une absence de discussion. Il convient cela dit de rappeler que la volonté d’offrir de la souplesse au fonctionnement (intermittent) de ces organes doit être conjuguée avec les impératifs en matière de responsabilité individuelle des membres composant ces organes.

Dans ce cadre, deux évolutions sont à relever.

La première opère deux petites révolutions : est autorisée, si les statuts le prévoient et dans les conditions fixées par décret (à paraître), le vote par correspondance des membres ; est généralisée la prise de décision par voie de consultation écrite (au besoin électronique) qui, hier encore n’était possible que si les statuts l’admettaient expressément et pour certaines décisions limitativement énumérées seulement. Principe de collégialité oblige, le recours à cette modalité de consultation suppose toutefois que les statuts réservent à tout membre la possibilité de s'y opposer, étant précisé que les statuts sont libres, par ailleurs, de soustraire à cette modalité certaines décisions (C. com., art. L. 225-37, al. 3 mod., art. L. 225-82, al. 3 mod., art. L. 226-4, al. 5 nouv.).

La seconde avancée est afférente à la participation aux conseils de SA par un moyen de télécommunication qui, elle aussi, est généralisée et facilitée (les membres des conseils de surveillance de SCA n’ont toujours pas cette possibilité). Généralisée parce qu’elle était jusqu’à présent interdite pour les décisions relatives à l’établissement ou au contrôle des comptes annuels (ou consolidés). Cette restriction est levée. Facilitée, parce que le recours à cette modalité supposait que les statuts ne l’interdisent pas et que le règlement intérieur (RI) le prévoie expressément ; silence du RI qui, rappelons-le, ne pouvait valoir autorisation. Cette logique est renversée : ce n’est que si les statuts ou le RI interdisent expressément une participation en distanciel, que les membres sont astreints à une présence physique aux séances, sachant que, dans les sociétés cotées, cette interdiction ne peut être prévue que pour certaines décisions seulement (C. com., art. L. 22-10-3-1 nouv. et L. 22-10-21-1, nouv.).

 

 


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